Par Salomé Ballangé, L2 psychologie
« La vieillesse n’est qu’un mot. Il y a des vieux de vingt ans et des jeunes de quatre-vingts. »
Victor Hugo
Pendant un mois, j’ai eu l’opportunité de travailler comme assistante administrative de renfort durant la période clé des inscriptions de l’Université du Temps Libre. Cette immersion m’a permis de découvrir une association passionnante, engagée notamment auprès des personnes âgées depuis plus de 60 ans, et de constater que le public demande toujours plus d’activités pour continuer à se sentir stimulé et épanoui. Bien qu’on connaisse presque par cœur notre campus de la Victoire, nous ne savons pas forcément que pendant qu’on achète nos cookies au Crous Market , à l’entresol, des bureaux hébergent le cœur battant de l’Oareil. En effet, il n’y a pas que les jeunes générations qui cherchent à apprendre. A l’Université de Bordeaux sur le campus de la Victoire, une équipe travaille d’arrache-pied pour faire vivre son projet associatif.

Vous l’ignoriez ? Eh bien moi aussi jusqu’à très récemment. Désormais j’ai à cœur de vous présenter cette association qui, j’en suis convaincue, a toute son importance. Dans cet article, je vous propose une immersion dans le quotidien de cette association humaine et inspirante, mais aussi un appel à réflexion : quel lien avons-nous, en tant qu’étudiants, avec les personnes âgées ?
Soutenir nos aînés : un tissu associatif bordelais engagé
Soutenir nos aînés : un tissu associatif bordelais engagé
Bordeaux n’est pas seulement une ville étudiante. C’est aussi une ville qui vieillit, avec dynamisme, certes, mais aussi avec des besoins accrus en lien social, en services, en écoute. De nombreuses associations œuvrent au quotidien pour accompagner les personnes âgées, qu’elles soient autonomes ou non.
Parmi elles :
– L’Oareil, bien sûr, à travers son Université du Temps Libre et le Centre ALMA Gironde contre la maltraitance mais aussi son organisme de formation en gérontologie sociale.
– L’ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural). Présente en Gironde, elle intervient au plus proche des domiciles pour permettre aux personnes âgées de rester chez elles, en leur apportant aide ménagère, partage de repas, accompagnement personnalisé. Elles incarnent un soutien concret du quotidien, souvent invisible mais essentiel.
– Faits de Cœurs. Cette association propose des visites de convivialité, des animations et du soutien relationnel auprès des personnes isolées, dans une approche chaleureuse et humaine.
– Les Petits Frères des Pauvres. Très actifs à Bordeaux, ils vont à la rencontre des aînés les plus isolés, notamment lors des fêtes de fin d’année ou pendant les canicules. Leur engagement repose sur la dignité, la fraternité et la fidélité.
– Voisin-Age. Plateforme initiée par Les Petits Frères des Pauvres, elle met en relation des voisins et voisines volontaires avec des personnes âgées de leur quartier. Une manière de recréer du lien localement.
Vieillir en France (et à Bordeaux), quelques chiffres :
En 2030, 1 Français sur 3 aura plus de 60 ans.
À Bordeaux, près de 20 % de la population a plus de 65 ans.
En Gironde, le nombre de personnes âgées dépendantes devrait doubler d’ici 2040.
Pourtant, 1 senior sur 4 déclare se sentir seul.
Mon expérience au sein de l’UTL
Créée en 1976, Oareil est une association reconnue d’intérêt général. Elle propose différents pôles : Allo Maltraitance, un service de formations professionnelles en gérontologie, et l’Université du Temps Libre Bordeaux Métropole. Son action repose sur une conviction forte : le lien social est un besoin fondamental, quel que soit l’âge. L’Oareil est donc une association principalement tournée autour des problématiques des seniors, de leur quotidien, de leur temps libre mais également de leur maltraitance. L’UTL propose chaque année un programme chargé d’activités diverses pour satisfaire tous les goûts : du sport, de la sociologie, de la psychologie, des langues vivantes et même des langues mortes, de la philosophie, de la science criminelle, de la généalogie, des stages, des voyages, des conférences… Et cette offre n’est pas réservée qu’aux seniors, mais à toute personne ayant du temps libre !
Dans un cadre chaleureux, plein d’humour et de bienveillance, l’équipe s’emploie à proposer tout un tas de solutions pour qu’aucun adhérent ne s’ennuie. En soutien administratif, j’ai assisté l’équipe pendant l’une des périodes les plus intenses de l’année. J’ai été en contact quotidien avec les adhérents, souvent seniors à la retraite, qui réclament toujours plus d’interactions, d’ateliers, d’idées, afin que chaque journée reste riche. Ces échanges m’ont sensibilisée à l’envie chez les aînés, de ne jamais se sentir “mis sur pause”. Ils veulent agir, apprendre, partager. Et ils ont parfois besoin que des structures comme l’Oareil répondent à cette attente. C’est une expérience sincèrement enrichissante qui m’a permis d’être au contact d’un public bien précis, le troisième âge.
Il est possible de devenir bénévole, et de les aider dans les événements particuliers, tout comme la saison des inscriptions à laquelle j’ai participé cette année. C’est un public âgé, mais les bénévoles le sont aussi très souvent. Mais pourquoi ne pas en profiter pour assouplir cette moyenne d’âge et permettre à ces personnes un contact avec les nouvelles générations ? Nous avons tellement à apprendre d’eux. De nombreux adhérents ont plaisir à discuter avec nous, à nous raconter toutes sortes d’anecdotes et à passer de leur temps libre à nos côtés.
Quelques questions pour la directrice de l’Oareil, Céline Carreau.
Directrice de l’Oareil, elle est une psychosociologue spécialisée en gérontologie, diplômée de l’Université de Bordeaux. Elle a pris la direction de l’association en pleine crise sanitaire, après avoir exercé pendant plus d’une décennie au sein d’un bailleur social, puis neuf ans à la Ville de Bordeaux, notamment sur des projets innovants autour des seniors. Sous son impulsion, l’Oareil a su relever de nombreux défis : maintien de l’UTL pendant la crise sanitaire, digitalisation des activités, développement de formations, renforcement du Centre ALMA.

Questions sur l’association :
1. Quelle est l’histoire de l’association Oareil et comment a-t-elle évolué au fil des années ?
L’association a été créée il y a presque 50 ans par des humanistes qui voulaient mettre en œuvre des actions pour redonner une place aux personnes âgées dans la société. C’était extrêmement novateur à l’époque mais cela reste toujours d’actualité. Le président de l’université Bordeaux 2 (devenue depuis université de Bordeaux) s’est alors engagé dans cette aventure. C’est la raison pour laquelle nous entretenons depuis 5 décennies un lien étroit les présidents successifs de votre université et que nous sommes hébergés sur le campus Victoire. Le Pr Dean Lewis est aujourd’hui vice-président de droit de l’Oareil.
Très vite, nous avons mis en place des actions de formation pour les professionnels qui interviennent au plus près des personnes âgées, actions que nous poursuivons aujourd’hui avec un catalogue de plus de 40 formations centrées sur la relation humaine.
Lorsque les fondateurs ont pris connaissance de la création d’une Université du troisième âge à Toulouse en 1976, ils se sont emparés de l’idée car l’accès à la culture est un formidable levier pour rester au cœur du mouvement de la société. Aujourd’hui, nous sommes une des plus anciennes Université du Temps Libre de France et nous rayonnons sur la métropole bordelaise. Ce changement de nom a toute son importance car nous accueillons tous les âges. Ainsi, l’année dernière, notre adhérente la plus jeune avait 18 ans et suivait un cours de philosophie. Nous accueillons en moyenne 6 000 adhérents avec l’appui d’une équipe de plus de 200 chargés d’activités. Certains d’entre eux sont aussi des enseignants des universités de Bordeaux et de Michel de Montaigne.
En 1995, nous mettons en place un centre de lutte contre les maltraitances qui s’appelle dorénavant le Centre ALMA Gironde. Coordonnée par une psychologue clinicienne, une équipe de bénévoles informe et oriente les personnes témoins ou victimes de maltraitances des personnes âgées ou des adultes en situation de handicap qui appelle le numéro national 3977.
Apprendre, transmettre, prendre soin… voilà les axes de notre projet associatif.
2. Quelles sont les valeurs qui fondent vos actions ?
Je citerai quelques valeurs essentielles pour toutes nos équipes : le lien social, la convivialité, l’humanisme.
3. En quoi les jeunes peuvent-ils jouer un rôle auprès des personnes âgées dans cette association ?
Nous proposons qu’ils ne jouent pas un rôle mais qu’ils soient adhérents de l’association. Nous les incitons à découvrir nos conférences, activités et stages à l’année. Un de nos slogans est « apprendre à tout âge ! ». J’ai moi-même fait il y a deux ans un stage qui m’a permis de réaliser de A à Z un vitrail et j’ai participé l’année dernière à un atelier de restauration d’objets d’art. Cette année, je vais m’initier à la réflexologie plantaire et palmaire ! Et parmi mes collègues trentenaires, deux d’entre elles vont apprendre à jouer du ukulélé !
4. Avez-vous déjà accueilli des bénévoles ou stagiaires étudiants ? Que leur apportent ces expériences ?
Nous faisons chaque année appel à deux, trois étudiants en renfort pour nous aider à préparer la future rentrée de juin à mi-octobre. Et nous accueillons dès que nous le pouvons des stagiaires. Nous avons également un partenariat avec le laboratoire de psychologie cognitive de l’université pour faciliter les travaux des étudiants en master ou en doctorat. Nous facilitons leur rencontre avec notre public, qui accepte volontiers de répondre à leurs questionnaires.
5. Quel message aimeriez-vous transmettre aux lecteurs étudiants ?
Si vous êtes curieux, faites un tour sur notre site pour regarder notre catalogue ! Il y aura forcément une activité qui vous plaira.
Sur les attentes des adhérents :
6. Pendant la période d’inscriptions, j’ai constaté que les adhérents demandaient plus d’activités et de variété. Comment alimentez-vous cette demande ?
Nous appelons nos adhérents inscrits à l’UTL des étudiants. Ils ont leurs représentants qui siègent aux instances dirigeantes de l’association et qui organisent tous les ans une assemblée générale pour recueillir leurs attentes. Nous initions de nouvelles activités suite à ces remontées mais étudions également toutes les propositions qui nous parviennent et restons connectés à l’air du temps pour susciter le désir sur de nouvelles pratiques.
7. L’Université du Temps Libre propose plus de 110 activités. Quels nouveaux ateliers ou formats envisagez-vous pour la prochaine saison ?
À la rentrée, nous mettons au programme des cours de pickeball, un nouveau sport de raquette, proposons un voyage au cœur du design moderne de l’Europe à l’Amérique ou encore un cours de géopolitique sur l’islam politique et l’état nation.
Il y a beaucoup d’autres nouveautés, que je ne peux pas toutes citer. Mais ces trois exemples vous montrent la diversité de notre offre ! Quelques-uns sont proposés en soirée et en visio.
8. Comment réagissent les adhérents dont la moyenne d’âge est plutôt élevée face à une modernisation et une digitalisation des inscriptions ? Comment adoucir ce passage aux technologies pour eux ?
Attention, il faut sortir des idées reçues. La majorité de nos adhérents, même s’ils ont plus de 60 ans, sont très connectés !!! Toutefois, pour ceux qui sont en difficulté ou revendiquent leur refus de procéder à leur inscription en ligne, notre équipe organise un accueil téléphonique et physique pour les accompagner. Salomé, tu sais bien de quoi nous parlons, cela a été ta mission principale !
On a souvent l’image d’un fossé entre jeunes et moins jeunes. Mais dans les faits, les personnes âgées ont soif de dialogue, de découverte, d’échange. Et nous, jeunes adultes, avons tout à gagner à les écouter.
– Ils nous partagent leur expérience.
– Ils nous offrent du recul sur le monde, une forme de sagesse que seuls les âges peuvent construire.
– Et surtout, ils nous montrent qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre, pour rire, pour s’émerveiller.
À l’inverse, nous leur apportons notre énergie, nos compétences numériques, notre écoute, notre regard neuf. Une rencontre entre générations, ce n’est pas une faveur. C’est un enrichissement mutuel. Un lien à tisser, à cultiver, à protéger.
L’Oareil n’est pas seulement un lieu d’apprentissage pour les retraités: c’est un espace d’échange intergénérationnel où chaque inscription, chaque atelier, et chaque interaction enrichit tant les participants que les organisateurs. Si tu es étudiant·e et que tu souhaites t’engager auprès des personnes âgées, à travers un stage, un bénévolat ou une collaboration avec l’UTL, ton geste fera la différence pour eux, autant que pour toi.