Par Félix Celton, master 1 droit public comparé
Tumulte dans l’actualité judiciaire, Nicolas Sarkozy ancien président de la République
française est condamné en première instance à 5 ans d’emprisonnement avec mandat
de dépôt dans l’affaire des financements libyens. Relaxé pour les chefs d’accusation de
corruption passive, financement illégal de campagne et recel de fonds publics, le
tribunal correctionnel de Paris a retenu la qualification d’association de malfaiteurs
pour fonder sa décision.
La décision des juges est à peine rendue qu’un brouhaha médiatique est venu
instantanément invalider la décision : l’association de malfaiteurs serait un “fourre-tout”
juridique, les juges voudraient se “payer un ancien président de la République” et la
condamnation serait politique
Il est bon de rappeler que, contrairement à nos voisins anglais, la
France n’est pas un pays de common law mais de tradition civiliste.
C’est-à-dire que le juge ne statue pas seul mais en collégialité et
qu’il n’a pas de pouvoir créateur de droit. De plus, le juge civiliste
est grandement soumis aux codes, d’où il doit tirer toute sa
légitimité en fondant sa décision. Par ailleurs, en droit pénal le
principe d’imputabilité stricte de la loi prédomine. Le juge a une
très faible marge de manœuvre d’interprétation de la loi, le
magistrat n’est que le traducteur littéral d’une norme qu’il n’a pas
lui-même édictée.
D’après l’article 450-1 du Code pénal, « constitue une association
de malfaiteurs tout accord entre plusieurs personnes en vue de
préparer ou commettre une ou plusieurs infractions ». On note ici
trois éléments constitutifs de l’infraction : un accord préalable, un
but criminel, et une participation active.
Le premier critère est caractérisé par l’existence d’un document
libyen évoquant un financement occulte pour la campagne
présidentielle de Nicolas Sarkozy. Après examen il a été expertisé
comme vrai : sa forme, ses cachets et son contexte ont été jugés
conformes aux pratiques libyennes. Un élément douteux de ce
document était sa fausse date, tout de même retenue comme vraie,
car l’administration libyenne changeait souvent de calendrier à ce
moment-là, complexifiant la tenue d’un calendrier cohérent par
l’administration.
Le second élément est donc caractérisé par l’intention de ce
pacte, qui visait à financer au-delà de la limite légale la campagne
de Nicolas Sarkozy. Enfin, Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer les
démarches de Claude Guéant et Brice Hortefeux, ses proches
collaborateurs, qui ont effectué les démarches auprès du
gouvernement libyen. Leur action concertée, menée pour son
bénéfice politique, a permis de retenir son assentiment implicite et
donc sa participation active à l’association de malfaiteurs.
Une chose reste à déplorer, c’est la couverture médiatique de
l’affaire. Seulement 8 journalistes judiciaires et de presse
spécialisée ont suivi le procès dans son intégralité alors qu’il s’agit
d’une affaire longue et complexe aux enjeux historiques.
Pour bien comprendre et cerner cette affaire, voir le documentaire Personne n’y comprend rien, produit en partie par Mediapart
