Condamnation de Nicolas Sarkozy, remise en contexte d’un jugement historique

Par Félix Celton, master 1 droit public comparé

De gauche à droite : Patrick Balkany, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, Carla Bruni et Gérald Darmanin. © Photo illustration Armel Baudet / Mediapart avec AFP

Tumulte dans l’actualité judiciaire, Nicolas Sarkozy ancien président de la République française est condamné en première instance à 5 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt dans l’affaire des financements libyens. Relaxé pour les chefs d’accusation de corruption passive, financement illégal de campagne et recel de fonds publics, le tribunal correctionnel de Paris a retenu la qualification d’association de malfaiteurs pour fonder sa décision.

La décision des juges est à peine rendue qu’un brouhaha médiatique est venu instantanément invalider la décision : l’association de malfaiteurs serait un “fourre-tout” juridique, les juges voudraient se “payer un ancien président de la République” et la condamnation serait politique

Il est bon de rappeler que, contrairement à nos voisins anglais, la France n’est pas un pays de common law mais de tradition civiliste. C’est-à-dire que le juge ne statue pas seul mais en collégialité et qu’il n’a pas de pouvoir créateur de droit. De plus, le juge civiliste est grandement soumis aux codes, d’où il doit tirer toute sa légitimité en fondant sa décision. Par ailleurs, en droit pénal le principe d’imputabilité stricte de la loi prédomine. Le juge a une très faible marge de manœuvre d’interprétation de la loi, le magistrat n’est que le traducteur littéral d’une norme qu’il n’a pas lui-même édictée.

D’après l’article 450-1 du Code pénal, « constitue une association de malfaiteurs tout accord entre plusieurs personnes en vue de préparer ou commettre une ou plusieurs infractions ». On note ici trois éléments constitutifs de l’infraction : un accord préalable, un but criminel, et une participation active.

Le premier critère est caractérisé par l’existence d’un document libyen évoquant un financement occulte pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Après examen il a été expertisé comme vrai : sa forme, ses cachets et son contexte ont été jugés

conformes aux pratiques libyennes. Un élément douteux de ce document était sa fausse date, tout de même retenue comme vraie, car l’administration libyenne changeait souvent de calendrier à ce moment-là, complexifiant la tenue d’un calendrier cohérent par l’administration.

Le second élément est donc caractérisé par l’intention de ce pacte, qui visait à financer au-delà de la limite légale la campagne de Nicolas Sarkozy. Enfin, Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer les démarches de Claude Guéant et Brice Hortefeux, ses proches collaborateurs, qui ont effectué les démarches auprès du gouvernement libyen. Leur action concertée, menée pour son bénéfice politique, a permis de retenir son assentiment implicite et donc sa participation active à l’association de malfaiteurs.

Une chose reste à déplorer, c’est la couverture médiatique de l’affaire. Seulement 8 journalistes judiciaires et de presse spécialisée ont suivi le procès dans son intégralité alors qu’il s’agit d’une affaire longue et complexe aux enjeux historiques.

Pour bien comprendre et cerner cette affaire, voir le documentaire Personne n’y comprend rien, produit en partie par Mediapart