Témoignage : Vivre au cœur de la capitale malgache, Antananarivo

Par Mathis Mercier, BUT Information Communication

Le 25 septembre dernier, les rues d’Antananarivo se sont gorgées de milliers de manifestants dénonçant les coupures d’eau, d’électricité et la corruption, appelant à la démission du président. Ils ont subi de violentes répressions par les forces de l’ordre, faisant 22 morts.

Place de la Bourse, le 12 octobre. Mobilisation en soutien aux manifestations à Madagascar.
Manifestation des étudiants à Antananarivo le 27 septembre 2025. © RIJASOLO / AFP

Un morceau de carton avec inscrit au marqueur rouge « Faites couler l’eau, pas le sang », un café à la main, sous l’ombre d’un arbre place Gambetta. Onintsoa, avec un regard parfois attristé mais plein d’espoirs, nous raconte son quotidien jusqu’à sa majorité, dans la plus grande ville de Madagascar.

Dès 2014, Andry Rajoelina remporte l’élection présidentielle avec 53% des voix. Il se présentera comme un président rassembleur, sensible à la précarité de 75% des Malgaches.

« Je me souviens, le président offrait du riz ou de l’huile à la population, déjà très pauvre, pour augmenter dans les sondages. J’étais petite mais ma famille n’aimait pas Rajoelina. Il a fait beaucoup de fausses promesses. Il devait régler les problèmes de délestage et n’a jamais rien fait », se confie Onintsoa.

Dans la société malgache, le combat mené en partie par la Gen Z divise, même si une partie des forces de l’ordre a rejoint le mouvement. Onintsoa s’est vue confrontée à des conflits politiques dans son entourage. Certaines de ses amies soutiennent le président Rajoelina.

Antananarivo, des habitant·es qui refusent la désolation

Initialement conçue pour accueillir 400 000 habitant·es, la capitale en compte aujourd’hui 1,6 million. La difficulté majeure des Antananariviens est de trouver du travail : le manque d’opportunités économiques plonge 80% des habitant·es sous le seuil de pauvreté. Pour survivre, les plus précaires sont obligés d’innover en proposant une multitude de services. Sur le bord des routes, il est fréquent de croiser des stands de recharge de téléphone par panneaux solaires ou bien des réparateurs de chambres à air.

Vue sur la ville d’Antananarivo depuis la ville haute (2016). © Yann Guichaoua : Getty Images

Pour les étudiant·es malgaches, partir étudier à l’étranger est devenu une nécessité. Ils·elles sont chaque année 4 500 à quitter Madagascar, dont 75% ne souhaitant pas retourner travailler sur l’île.

Aujourd’hui pour Onintsoa, le retour à Madagascar est incertain. Beaucoup, comme elle, ne pensent pas trouver d’opportunités et préfèrent travailler ailleurs, là où les salaires sont plus avantageux. « À Madagascar, quand tu as de l’argent, c’est bien car tu peux t’offrir plein de choses comme un chauffeur privé, mais quand tu n’en as pas c’est vraiment dur. Il n’y a pas d’aides, pas la CAF et les hôpitaux sont tous payants ».

En plus d’une surpopulation et d’une précarité importante, la vie à Antananarivo est rythmée par des restrictions fréquentes d’énergie. Dans la capitale, 20 à 25% de la demande d’électricité n’est pas satisfaite, ce qui provoque des coupures quotidiennes. Onintsoa nous confie que sa maison située dans le quartier d’Antsahabe est régulièrement ciblée par des coupures d’eau potable et d’électricité, contrairement à la rue d’en face, habitée par un ancien ministre, épargnée de toutes restrictions.

Onintsoa a quitté l’île depuis plus d’un an. Ses parents sont partis vivre à La Réunion, son frère et sa sœur sont en Europe, mais la majorité de sa famille est restée à Antananarivo.

La volonté de nombreux Malgaches de partir, elle l’explique par la difficulté à vivre dans de bonnes conditions. Trouver un travail avec un salaire décent est rude, dans un pays où la majorité des emplois sont précaires ou non déclarés. Les services publics sont dégradés par le manque de moyens, rendant l’éducation ou l’accès aux soins difficiles.

« Ma sœur a passé son bac dans le noir à cause des coupures d’électricité, et mon frère, qui a fait deux ans de droit à Madagascar, n’a jamais reçu sa bourse. En plus, la fac était tout le temps en grève. Quand tu as les moyens, tu préfères partir faire tes études ailleurs ».

Ce qui lui manque le plus, c’est le mode de vie malgache dans lequel elle a grandi. Il est unique au monde par sa cuisine, sa musique et la chaleur des relations humaines. La vie ailleurs est naturellement différente. Même si elle ne sortait pas beaucoup le soir car sa mère avait peur, la musique et les chants malgaches ont bercé son enfance. « Dès que je croise une personne malgache en France, que ce soit dans les transports ou sur la plage comme cet été à Nice, on est tout de suite très proches, on se met à discuter et à rigoler ».

On dit que la langue malgache ne se parle pas, mais se chante. Celle-ci est chantée tous les jours par 25 millions de locuteurs, unis autour d’une île, Madagascar.

Initialement conçue pour accueillir 400 000 habitant·es, la capitale en compte aujourd’hui 1,6 million. La difficulté majeure des Antananariviens est de trouver du travail : le manque d’opportunités économiques plonge 80% des habitant·es sous le seuil de pauvreté. Pour survivre, les plus précaires sont obligés d’innover en proposant une multitude de services. Sur le bord des routes, il est fréquent de croiser des stands de recharge de téléphone par panneaux solaires ou bien des réparateurs de chambres à air.
En plus d’une surpopulation et d’une précarité importante, la vie à Antananarivo est rythmée par des restrictions fréquentes d’énergie. Dans la capitale, 20 à 25% de la demande d’électricité n’est pas satisfaite, ce qui provoque des coupures quotidiennes. Onintsoa nous confie que sa maison située dans le quartier d’Antsahabe est régulièrement ciblée par des coupures d’eau potable et d’électricité, contrairement à la rue d’en face, habitée par un ancien ministre, épargnée de toutes restrictions.

Onintsoa a quitté l’île depuis plus d’un an. Ses parents sont partis vivre à La Réunion, son frère et sa sœur sont en Europe, mais la majorité de sa famille est restée à Antananarivo.

Vue sur la ville d’Antananarivo depuis la ville haute (2016). © Yann Guichaoua : Getty Images

La volonté de nombreux Malgaches de partir, elle l’explique par la difficulté à vivre dans de bonnes conditions. Trouver un travail avec un salaire décent est rude, dans un pays où la majorité des emplois sont précaires ou non déclarés. Les services publics sont dégradés par le manque de moyens, rendant l’éducation ou l’accès aux soins difficiles.

« Ma sœur a passé son bac dans le noir à cause des coupures d’électricité, et mon frère, qui a fait deux ans de droit à Madagascar, n’a jamais reçu sa bourse. En plus, la fac était tout le temps en grève. Quand tu as les moyens, tu préfères partir faire tes études ailleurs ».

Pour les étudiant·es malgaches, partir étudier à l’étranger est devenu une nécessité. Ils·elles sont chaque année 4 500 à quitter Madagascar, dont 75% ne souhaitant pas retourner travailler sur l’île.

Aujourd’hui pour Onintsoa, le retour à Madagascar est incertain. Beaucoup, comme elle, ne pensent pas trouver d’opportunités et préfèrent travailler ailleurs, là où les salaires sont plus avantageux. « À Madagascar, quand tu as de l’argent, c’est bien car tu peux t’offrir plein de choses comme un chauffeur privé, mais quand tu n’en as pas c’est vraiment dur. Il n’y a pas d’aides, pas la CAF et les hôpitaux sont tous payants ».

Ce qui lui manque le plus, c’est le mode de vie malgache dans lequel elle a grandi. Il est unique au monde par sa cuisine, sa musique et la chaleur des relations humaines. La vie ailleurs est naturellement différente. Même si elle ne sortait pas beaucoup le soir car sa mère avait peur, la musique et les chants malgaches ont bercé son enfance. « Dès que je croise une personne malgache en France, que ce soit dans les transports ou sur la plage comme cet été à Nice, on est tout de suite très proches, on se met à discuter et à rigoler ».

On dit que la langue malgache ne se parle pas, mais se chante. Celle-ci est chantée tous les jours par 25 millions de locuteurs, unis autour d’une île, Madagascar.